dimanche 24 mai 2009

TABLE DES MATIERES ET DES LIENS

HISTOIRE
L'ART ROMAN (1) CHAPITRE 1 : L'ARCHITECTURE ROMANE
L'ART ROMAN (2) CHAPITRE 2. LA SCULPTURE ROMANE
L'ART GOTHIQUE (1) CHAPITRE 3. L'ARCHITECTURE GOTHIQUE
L'ART GOTHIQUE (2) CHAPITRE 4. LA SCULPTURE GOTHIQUE : CARACTERISTIQUES
L'ART GOTHIQUE (3) CHAPITRE 4. LA SCULPTURE GOTHIQUE : ICONOGRAPHIE 1. LA FORME 2. LE CONTENU L'ART GOTHIQUE (4) CHAPITRE 5 LE GOTHIQUE INTERNATIONAL ET LA RENAISSANCE DANS LE NORD, XV°S (OU LES PRIMITIFS FLAMANDS).
LA RENAISSANCE (1) CHAPITRE 6. LA RENAISSANCE EN ITALIE :LA PERSPECTIVE
LA RENAISSANCE (2) CHAPITRE 7. LA RENAISSANCE EN ITALIE : LA RENAISSANCE CLASSIQUE : XIV-XV° Siècles.
LA RENAISSANCE (3) CHAPITRE 8. UN ARTISTE DE LA RENAISSANCE : LEONARD DE VINCI (1452 – 1519)
LA RENAISSANCE (4) CHAPITRE 9. LES PEINTRES DE LA RENAISSANCE CLASSIQUE (XIV-XV°S)
LA RENAISSANCE (5) CHAPITRE 10. LA RENAISSANCE MANIERISTE XVI°S
LA RENAISSANCE (6) CHAPITRE 11. LA RENAISSANCE MANIERISTE XVI°S : LES ARTISTES LE XVII°SIECLE (1) CHAPITRE 12 LA PEINTURE REFORMEE : LE XVII°SIECLE AUX PAYS-BAS
LE XVII° SIECLE (2) CHAPITRE 14. LE CLASSICISME : le XVII°SIECLE
LE XVII° SIECLE (3) CHAPITRE 14 (suite) BAROQUE ET CLASSICISME : le XVII°SIECLE : LES ARTISTES

PARENTHESE : L'ICONOGRAPHIE
ICONOGRAPHIE (1 & 2) CHAPITRE 15 ICONOGRAPHIE 1 : LES SAINTS 2 : LES PROPHETES
ICONOGRAPHIE (3) CHAPITRE 16 ICONOGRAPHIE 3 : LES HEROS MYTHOLOGIQUES
ICONOGRAPHIE (4 & 5) CHAPITRE 17 ICONOGRAPHIE 4 : LES SCENES FREQUENTES CHAPITRE 18 : ICONOGRAPHIE 5 : LE NU

REPRISE DE L'HISTOIRE
LE XVIII° SIECLE (1) CHAPITRE 19 LE ROCOCO - CHAPITRE 20 LE "GENRE MORALISANT"
LE XVIII° SIECLE (2) CHAPITRE 21 LA NATURE MORTECHAPITRES 22 & 23 LE NEOCLASSICISME
LE XVIII° SIECLE (3) CHAPITRE 24 LA SCULPTURE NEOCLASSIQUE
LE XVIII° SIECLE (4) CHAPITRE 25 LE NEOCLASSICISME. (fin) CHAPITRE 26 LE ROMANTISME (1) LE XIX° SIECLE (1) CHAPITRE 26 LE ROMANTISME (2) CHAPITRE 27 DANS LES MARGES DU ROMANTISME : PRERAPHAELISME & SYMBOLISME
LE XIX° SIECLE (2) CHAPITRE 28 LE NATURALISME ET LE REALISME
LE XIX° SIECLE (3) CHAPITRE 29 L’IMPRESSIONNISME 
LE XIX° SIECLE (4) CHAPITRES 29 & 30 : L'IMPRESSIONNISME (2) CEZANNE (1) 
LE XIX° SIECLE (5° CHAPITRE31 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ESPACE (1) : CEZANNE 
LE XX° SIECLE (1) CHAPITRE 32 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 2. LA COULEUR : LE FAUVISME CHAPITRE 32 : L’EXPRESSIONNISME 
LE XX° SIECLE (2) CHAPITRE 33: LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 3. L'ESPACE : LE CUBISME (1)
LE XX° SIECLE (3) CHAPITRE 33 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 3. L'ESPACE : LE CUBISME (2) 
LE XX° SIECLE (4) CHAPITRE 34 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE (3). L'ESPACE (3) MATISSE ET PICASSO LE XX° SIECLE (5) CHAPITRE 34(suite) LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE (3). L'ESPACE (3) MATISSE ET PICASSO (2).
LE XX° SIECLE (6) CHAPITRE 35 & 36 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE (4) : L'ART ABSTRAIT, LE SURREALISME.
LE XX° SIECLE (7) CHAPITRE 37 LA REVOLUTION DUCHAMP
LE XX° SIECLE (8) CHAPITRE 38 L’EXPRESSIONNISME ABSTRAIT (1) 1942-1952 
LE XX° SIECLE (9) CHAPITRE 38(suite) L’EXPRESSIONNISME ABSTRAIT : DEUXIEME GENERATION
LE XX° SIECLE (10) CHAPITRE 39LA FIN DE L’AVANT GARDE : VERS UN NOUVEAU "REALISME" : LA DISPARITION DE L'ARTISTE.
LE XX° SIECLE (11) CHAPITRE 40 LES NOUVEAUX REALISTES
LE XX° SIECLE (12) CHAPITRE 41 LE POP ART
LE XX° SIECLE (13) CHAPITRE 42 L’HYPERREALISME 
LE XX° SIECLE (14) CHAPITRE 43 : LA MISE A MORT DE LA PEINTURE : BMPT (1967) ; SUPPORT / SURFACE (1969 – 1972) ; GRAV (1960 – 1968).
LE XX° SIECLE (15) CHAPITRE 44 : LA DESTRUCTION DE L’OBJET (1) : LE MINIMALISME
LE XX° SIECLE (16) CHAPITRE 45 LA DESTRUCTION DE L’OBJET (2) : L’ART CONCEPTUEL 
LE XX° SIECLE (17) CHAPITRE 46. BODY ART ET PERORMANCE
LE XX° SIECLE (18) CHAPITRE 47 LAND ART ET EARTH ART 
LE XX° SIECLE (19) CHAPITRE 48 LE “RETOUR” A LA FIGURATION 
LE XX° SIECLE (20) CHAPITRE 49 LE POSTMODERNISME XX & XXI°SIECLES (1) CHAPITRE 50 L'ART CONTEXTUEL
XX et XXI°SIECLES (2) CHAPITRE 51 LA PEINTURE CONTEMPORAINE (1) 
XX et XXI°S IECLES (3) CHAPITRE 52 LA PEINTURE CONTEMPORAINE (2)
XX et XXI°SIECLES (4) CHAPITRE 53 LA PEINTURE CONTEMPORAINE (3) 

DOSSIERS /
LA PERSPECTIVE EN PEINTURE
LA FEMME ENIGMATIQUE 
LE CRI 
DE L’USAGE POLITIQUE DU NEOCLASSICISME : NAZISME ET STALINISME 
DOULEURS, SOUFFRANCE ET SPIRITUALITE. 
LE MIROIR (LA FEMME) LA PEINTURE 
FIGURATION (ABSTRACTION) DEFIGURATION
LES SIX REGARDS SUR L'OEUVRE D'ART

BIBLIOGRAPHIE : LISTE DES OUVRAGES CONSULTES

PROGRAMME DE LA DEUXIEME ANNEE (2009-2010)


1.Les impressionnistes et les post-impressionnistes.

2.Matisse et Picasso : du fauvisme au cubisme.

3.L'art abstrait.

4.Dada et les surréalistes.

5.La Révolution Duchamp


LE XX° SIECLE CHAPITRE 29 L'IMPRESSIONNISME

CHAPITRE 29 L’IMPRESSIONNISME
Jacques ROUVEYROL




I. IMPRESSIONNISME ET REALISME

1. Le réalisme, c’est Courbet et Courbet seulement
.

Le réalisme : c’est moins la représentation du réel que le transport dans la peinture de ce qui était jusque là seulement évoqué par elle.
Ce tableau ne représente pas une femme nue mais le désir du peintre qui la peint. (Voir Cours 30, Chapitre 29 Le Réalisme, III. Courbet, 3. Energie)

Ainsi, paradoxalement, le réalisme éloigne la peinture de la représentation. Conduit (à terme) à l’abstraction.

2. L’impressionnisme est l’héritier du réalisme.

a. Par les sujets qu’il aborde : travail (Caillebotte Les Raboteurs de Parquet), loisirs (Bazille Scène d’été), modernité (Monet La série des douze Gare Saint-Lazare).

b. Il faut pourtant se garder d’une méprise. Alors que le réalisme serait objectif, se bornant à une reproduction du réel, l’impressionnisme serait subjectif, relevant de l’ »impression », variable d’un individu à un autre.
La différence est ailleurs : dans un détachement par rapport à la représentation.

* •Le tableau classique représente une scène de la vie héroïque ou banale. Il est une image.
* •La toile (ou le bois ou le plâtre), la peinture, la trace du pinceau disparaissent devant la scène représentée. Image d’une jeune fille chez Vermeer.




* •Le tableau réaliste présente l’énergie de l’artiste façonnant son sujet, aux prises avec la matière (toile, peinture, brosse). Il est peinture plus qu’image




* •Le tableau impressionniste qui procède par tâches cache presque ce qu’il représente par la technique de représentation qu’il utilise.
•Le tableau impressionniste s’éloigne encore de l’objet. Il se rapproche de … la peinture. Ce que montre bien par exemple ce détail du tableau de Monet Baignade à la Grenouillère.




II. NAISSANCE DE L’ART MODERNE : MANET


A. DE L’IMAGE A LA PEINTURE : LA FORME

Le tableau inaugural de la peinture moderne : Olympia de Manet 1863

1. Contre l’imaginaire : la peinture
a. Dans son sujet le tableau de Manet fait référence à la tradition des Vénus étendues et particulièrement à la Vénus d’Urbin du Titien.

b. Mais, dans son traitement Manet accentue la particularité (quasi incroyable) du tableau du Titien qui fait figurer sa Vénus à la surface de la toile dans un espace qui n’est pas compatible avec celui du reste du tableau (les servantes et le coffre). L’Olympia de Manet présente un corps de femme réduit à une surface et traité comme tel.
Un cerne délimite ce corps. Le modelé y est réduit à sa plus simple expression. La peinture procède par aplats.






Seul importe l’assemblage des couleurs sur la surface de la toile. Le scandale de l’Olympia, c’est ce passage de l’image à la peinture. A « l’autonomie de la peinture » (Malraux)


2. Contre l’imaginaire : le réel

a. La Vénus d’Urbin exprime quelque chose : une douceur irréelle – ou perdue. Elle ne voit pas ce qu’elle regarde.

. Olympia regarde. D’un regard direct celui qui la contemple. On entre dans un monde réel.





b. Olympia s’est redressée (réveillée). Le chien de Vénus s’est levé lui aussi (et s’est changé en chat). Olympia est le moment d’une métamorphose : passage de l’irréel au réel.
Musique aux Tuileries de la même année 1863 fait scandale de la même manière parce qu’on y voit des hommes en jaquette et chapeau haut de forme, costume trop peu conventionnel en peinture. Le Déjeuner sur l’Herbe, de la même année encore, scandalise pour les mêmes raison : une femme nue (comme Olympia), des hommes en jaquette (comme aux Tuileries).

3. Contre l’imaginaire : la peinture.

Déjà, dans La Musique aux Tuileries, la profondeur est restreinte à un tout petit triangle de ciel. Dans Le Bal de l’Opéra, du même Manet, comme dans L’Exécution de l’Empereur Maximilien un balcon ou un mur ramènent tout au premier plan. En surface.
En outre, aucune courbe, mais des droites horizontales et verticales. Toutes les lignes semblent donc suivre les bords du cadre ou du châssis comme, plus tard, dans toute une partie de la production de Franck Stella (comme par exemple le Gran Caïro de 1962).
Mieux encore. Quelquefois, c’est la trame-même de la toile qui paraît dans le dessin. Comme dans Le Port de Bordeaux de Manet avec l’entrecroisement des mâts et des vergues des bateaux. Ce travail sur les supports ordinaires de la peinture fera l’objet du courant Supports/Surfaces entre 1969 et 1972, voire de Buren.

4. Contre le réel.
a. A Manet, à propos d’Olympia, on reproche une trop de réalisme. Comprenons bien : ce qu’on lui reproche en fait c’est un pas assez d’idéalisation. Cette femme n’est pas une Vénus.
b. Mais ce n’est pas non plus l’image d’une femme. Certes, si l’on a égard seulement au sujet : c’est une femme réelle. Mais, ramené à la surface de la toile, le sujet ne compte pas. Ce qu’il y a à voir ce sont, selon les termes-mêmes de Maurice Denis, des couleurs sur une toile assemblées.

Ainsi, avec son Olympia, Manet rompt avec toute la tradition qui va de la Renaissance à Courbet compris.

-Il rompt avec l’Olympe, pour ce qui est du sujet. Il rompt avec le monument majestueux peinture-sculpture-architecture. Il en vient au réel.

-Il refuse l’illusion inventée par la "peinture de l’ombre" (Malraux) inaugurée par Léonard de Vinci. Et ceci est encore plus important.
Il veut qu’on vienne voir non un paysage, non une femme étendue, non un portrait, non une histoire, mais … un tableau.

Ceci ne nous dit pas encore assez clairement en quoi Olympia est une toile impressionniste.


III. NAISSANCE DE L’ART MODERNE : MANET

B. DE L’HISTOIRE AU MONDE CONTEMPORAIN : LE CONTENU



L’autre scandale inaugural de la peinture moderne, c’est la même année 1863 Le Déjeuner sur l’Herbe.

a. La référence à la tradition est d’autant plus présente que c’est cette tradition qu’il s’agit de bouleverser. Référence, donc, au Concert Champêtre du Titien et à un Jugement de Pâris de Raphaël, via une gravure de Marcantonio Raimondi.

b. Mais l’idéalisation, encore une fois, fait défaut. Le problème, c’est celui, bien connu, du nu dans un paysage.
*Classiquement, le problème est résolu en déréalisant le nu en question : déesse, nymphe ou personnage biblique.
*La femme des Baigneuses de Courbet encore que jugée « trop réelle », est pourtant, justement, une baigneuse. Donc, pas une femme réelle. C’est une femme revêtue d’un costume constitué par la tradition picturale.
*La femme du premier plan du Déjeuner de Manet, n’est rien de tout cela. C’est une femme nue.
Cela se conçoit encore dans un intérieur : les odalisques d’Ingres par exemple. Mais, en extérieur et de surcroît avec des hommes vêtus et qui plus est en costume contemporain, une femme nue, dans ces conditions, ne saurait être qu’une prostituée.

En résumé :L’impressionnisme de Manet est réaliste par son contenu. Le sujet n’est plus emprunté à la tradition. C’est le refus de l’idéalisation.

L’impressionnisme de Manet, dans sa forme rejette aussi bien la réalité du sujet que l’image que la peinture prétend en donner. C’est le refus de l’illusion.

Il s’agit pour Manet de peindre un tableau et non de représenter quelque chose.

A partir de ce moment on dira : « Un Manet, un Pissarro, un Picasso, un Rembrandt, un Raphaël, etc.) ».

Mais, en quoi Le Déjeuner sur l’Herbe est-il une toile impressionniste ?

Justement par cette ambiguïté :

Une peinture qui n’est pas encore abstraite (complètement non représentative, non-image), qui a donc encore un sujet.

En même temps, une peinture qui dénie à ce sujet toute valeur transcendante, intemporelle, idéale; qui peindra donc le moment.
Un moment de détente (Femmes au Jardin de Monet), de repos (Vue de Village de Bazille), d’attente (L’Examen de Danse de Degas), de distraction (Le Chemin de Fer de Manet), de progrès (La Gare Saint-Lazare de Monet), un moment de la journée (Les Peupliers sur l’Epte de Monet encore).

L'impressionnisme, c'est cela, fondamentalement. En dehors des procédés (auxquels on va venir), c'est le sens historique de ce courant : être le moment où un monde bascule dans un autre.

L’impressionnisme correspond dans l’histoire de la peinture à un moment de passage entre :

-l’art classique issu de la Renaissance pour lequel le sujet (héroïque ) est tout et la forme rien (ce qui doit s’effacer pour qu’ait lieu l’illusion)

-l’art abstrait qui définit tout l’art contemporain, dans lequel le sujet n’est rien (s’efface pour que n’ait pas lieu l’illusion) et la forme tout (on doit voir que la peinture est de la peinture).




IV. LES SUJETS IMPRESSIONNISTES

La peinture du moment, du contemporain n’est pas une nouveauté. La scène de genre hollandaise du XVII° est une telle peinture.
Elle est à l’œuvre aussi chez les naturalistes du XIX°.
Aussi bien chez les réalistes du même XIX° : Courbet, Daumier, Millet.

Mais les sujets impressionnistes sont différents :

* C’est d’abord la vie citadine : Les jardins publics : (La Musique aux Tuileries Manet, Le Moulin de la Galette Renoir ; les cafés (Un Bar aux Folies Bergères Manet, L’Absinthe Degas) ; les spectacles (Lydia dans une Loge Mary Cassatt, Le Bal de l’Opéra Manet) ; les rues (Paris un jour de pluie Caillebotte, la série des Boulevard Montmartre Pissarro)

* C’est ensuite la vie « à la campagne » mais qui est encore une vie citadine, non une vie de paysans (version naturaliste) : La baignade (Scène d’été Bazille) ; le canotage (les différentes Périssoires, de Caillebotte) ; les guinguettes et restaurants (Déjeuner lors d’une partie de bateau Renoir, La Grenouillère Monet) ; les courses (Chevaux devant les tribunes Degas) ; déjeuners sur l’Herbe (Manet, Monet).

* Il y a pourtant des exceptions « naturalistes », comme Pissarro qui peint volontiers la campagne. Mais si le sujet est naturaliste, le traitement ne l’est pas.

En quoi consiste le traitement impressionniste ?


V. LE TRAITEMENT IMPRESSIONNISTE

Le traitement impressionniste consiste en ceci que le sujet « s’efface » devant la forme : la touche.

1. La touche.




a. Dans cette Plage de Trouville de Monet, l’art se montre comme artifice. La touche se fait voir. Il n’y a rien là de naturaliste.

b. La touche impressionniste correspond à une vibration de la lumière.



Dans le peinture classique, la lumière diffuse. C’est qu’elle n’est que l’accessoire d’une révélation du sujet qu’elle éclaire. Dans l’impressionnisme, la lumière vibre . C’est qu’elle est le sujet-même de la peinture. Ainsi dans ces Régates à Argenteuil de Monet.

c. Or la lumière est ce qu’il y a, dans la matière, de moins matériel, de plus abstrait.

Lorsque Hegel (philosophe allemand du XIXème siècle) retrace l’histoire de l’art en lui donnant un sens, il fait observer que le premier art d’une civilisation naissante est toujours l’architecture forme la plus matérielle (la moins spirituelle) de l’art, la plus inféodée à des lois extérieures à l’Esprit (pesanteur, par exemple), la moins libre. Puis, à mesure que l’esprit se développe, que la civilisation évolue, on passe à la sculpture, encore prise dans la matière, certes, mais spiritualisée par son sujet : l’homme. Vient ensuite la peinture où un pas de plus est fait dans la "dématérialisation » puisqu’on passe de trois à deux dimensions (surface) et puisque ce qu’on peint, finalement, est cette partie de la matière qui est la plus subtile, presque la moins matérielle : la lumière. Vient ensuite la musique où la matière se réduit à l’onde sonore invisible. Enfin la poésie où la matière s’efface devant le sens des mots, pure expression de l’Esprit. Certes, pour Hegel le sens des mots « abstrait/concret » est inverse de celui dans lequel nous les entendons ici. Il n’en reste pas moins que dans le traitement de ses sujets l’impressionnisme représente un pas vers l’abstraction.


Cette œuvre de Kandinsky semble d’ailleurs montrer que l’abstraction consiste, au moins en partie, en une utilisation élargie de ladite touche.

2. Le cadre.

a. Il est inspiré par la photographie (non copié car l’instantané n’existe pas encore).

b. Il est pré-cinématographique (comme le moment d’un travelling ou d’un panoramique).

c. Il est empreint de mouvement (mais d’un mouvement du regard plus que du sujet).



A ma connaissance, on ne rencontre que chez Courbet, et encore une fois seulement, dans L’Origine du Monde, ce type de cadre qui coupe une partie du sujet traditionnellement ou intégrée ou mise hors champ.
Mais, à l’inverse de chez Courbet où l’on est sensé s’attarder sur le motif, c’est au contraire à un regard comme en passant qu’on doit le cadrage impressionniste. Un regard détaché, désinvolte. Un regard de flâneur, de dandy.
C’est ce regard que décrit Baudelaire : un regard à la fois curieux (qui va au détail) et détaché (qui ne s’intéresse pas à l’essentiel). Seul regard valable sur la vie moderne qui doit être, à son tour, le seul sujet de l’art.

3. Les séries



a. Les séries (ici Monet la série des meules) c’est d’abord une peinture de la lumière et de ses variations .

b. C’est ensuite (corollaire) l’affirmation d’un désintérêt pour le sujet (seule la lumière qu’il absorbe ou réfléchit diversement selon les moments, intéresse le peintre) donc un pas en direction de l’abstraction.

c C’est enfin un travail de recherche. Sans doute dans le passé (Canaletto pour Venise, Constable pour Salisbury, par exemple), on a peint le même sujet à des moments différents. Mais c’était toujours parce que le sujet présentait un intérêt. Même si, par ailleurs, la lumière vénitienne pouvait être peinte pour elle-même, c'était dans un traitement de lumière diffuse et non dans un traitement impressionniste de lumière vibrante.
L’impressionnisme cherche les nouvelles possibilités de la peinture.


En résumé, l’impressionnisme :

1. Achève une révolution commencée avec le réalisme : il tourne le dos au monde de l’art et fait entrer dans la peinture le monde réel.

2. Commence une révolution nouvelle : il tourne le dos à l’art comme représentation du monde réel (ou idéal) et fait advenir la peinture elle-même. C’est cette révolution qui conduit :

a. A l’abstraction.

b. A l'art contemporain.

ANNEXE : LES PRINCIPAUX PEINTRES IMPRESSIONNISTES


1. MANET Edouard 1832-1883
2. MONET Claude 1840 - 1926
3. PISSARRO Camille 1830 - 1903
4. BAZILLE Frédéric 1841 - 1870
5. RENOIR Pierre-Auguste 1841 - 1919
6. DEGAS Edgard 1834 - 1917
7. CAILLEBOTTE Gustave 1848 - 1894
8. MORISOT Berthe 1841 – 1895
9. CASSATT Mary 1844 – 1929
10 SISLEY Alfred 1839 - 1899

Pour télécharger le DIAPORAMA du cours

LE XX°S CHAPITRES 29 & 30 L'IMPRESSIONNISME (suite) CEZANNE (1)

CHAPITRES 29 & 30 : L'IMPRESSIONNISME (2) CEZANNE (1)
Jacques ROUVEYROL

I. LA REVOLUTION DE 1863

1.Avant 1863, l’association du rouge et du bleu renvoie au manteau de la Vierge. Après 1863, ce sont deux couleurs en rapports réciproques.

2. Avant 1863, on a des visions (des imaginations) : Vénus allongée dans un paysage, femme rangeant du linge dans une armoire, Diane au bain … Après 1863, on voit (le tableau livre une perception).

3 Avant 1863, on représente quelque chose qui est ailleurs (dans l’Olympe, dans une nature imaginaire), avant (dans un passé reculé ou proche), dans un présent qui rappelle un passé. Après 1863, on présente quelque chose qui est ici (des femmes au jardin), maintenant (une rue de Paris sous la pluie), en somme un présent qui est présent.

4. C’est le paysage naturaliste qui a favorisé ce passage en concentrant l’attention sur un réel immédiat qui ne raconte pas d’histoire.


5. Le problème devient alors : comment manifester cette présence du sensible ? Plusieurs procédés sont utilisés.

a. Le choix des éléments. Le corps imparfait d’Olympia (plutôt que le corps parfait mais imaginaire d’une Vénus) ramène à notre monde.
b. Le refus de la perspective brise l’illusion d’une réalité étrangère.
c. La possibilité de supprimer le cadre (issue de cadrages originaux inspirés de la photographie) évite d’enfermer la peinture dans un univers complètement étranger au nôtre.

6. Avant 1863, la tableau est fini. Toute trace de pinceau est gommée. Le tableau se voit de près comme de loin . Après 1863, le tableau est non-fini. La trace du pinceau, du couteau y est perceptible et le tableau se voit de loin. Aussi de près, mais pas comme de loin. Autrement.

7. Avant 1863, il y a à voir une image. Après 1863, la trace de la main créant un nouveau monde.

8. Avant 1863, on extrait de la nature des modèles, des idéaux pour les donner à contempler. Après 1863 on montre un réel qui n’est ni un idéal ni un modèle.

9. Avant 1863, la peinture a un sens à condition de ne pas la voir (à condition qu’elle s’efface devant ce qu’elle représente). Après 1863, elle n’a de sens que parce qu’on la voit.





II. L’INFLUENCE DE L’ART JAPONAIS DES ESTAMPES.

1. Avec l’impressionnisme, la peinture se détache du monde extérieur qu’elle ne représente plus qu’accessoirement.
La découverte de l’art japonais n’est pas étrangère à cette transformation.
2. Ce sont les images de l’ukiyo-e (« images d’un monde flottant ») qui ont marqué les peintres de la fin du XIX°. Ces estampes sont l’aboutissement d’une évolution de la peinture de genre entreprise à la fin du XVI° siècle au Japon.
3.Quatre grands représentants peuvent en être extraits : Utamaro (1753-1806) peint essentiellement des courtisanes et des scènes érotiques (shungas). Sharaku (fin XVIII° s) peint surtout les grands acteurs su théâtre Kabuki. Hokusai (1760-1849) peint également des shungas mais il est surtout celui qui introduit le paysage comme sujet à part entière de la peinture. Témoins ses trente six vues du Mont Fuji.




Hiroshige, enfin (1797-1858) poursuit dans la peinture de paysage.
Ce qu’ils ont en commun : l’aplat, le cerne, le rejet de la perspective. Une peinture qui ramène à la surface et qui nie l’illusion.

4. Toutefois, il ne faut pas s’exagérer l’influence de l’art japonais sur les impressionnistes.
Quand Manet découvre la peinture (contre l’image), il découvre que déjà la peinture japonaise ne se préoccupe pas d’illusionnisme.

Les pointillistes postimpressionnistes vont faire un pas de plus vers la peinture donc vers l’abstraction.


III. VERS L’ABSTRACTION : LE POINTILLISME

1. L’idée est de « refonder » on ne dira pas scientifiquement, mais scientistement (c’est-à-dire à partir d’une certaine idée qu’on se fait de la science) l’impressionnisme. Les études d’Eugène Chevreul, d’Ogden Rood, d’Hermann von Helmholtz et de Charles Henry sur la couleur sont prises en compte par Seurat.
2.Les trois couleurs fondamentales existent sous deux formes. Sous la forme de pigments leur mélange donne une couleur obscure virant au noir. En revanche, sous la forme de rayons lumineux, leur synthèse donne le blanc. Il en découle qu’obtenir une couleur par superposition des pigments fait perdre en luminosité. Au contraire, une couleur obtenue par juxtaposition des pigments gagnera en luminosité. Si les points colorés juxtaposés sont suffisamment petits, l’œil effectuera à distance de la toile leur « mélange ». Il suffira de juxtaposer par exemple deux couleurs primaires pour que l’œil, les « confondant », perçoive une couleur secondaire. De là le pointillisme (ou divisionnisme) de Seurat, par exemple.



Ou de Signac.




3. Le pointillisme, de ce fait, change radicalement la perception impressionniste du temps.
C’est l’instant que Monet capte lorsqu’il étudie ses meules ou ses nymphéas. L’instant d’une luminosité particulière. Ou Degas quand il peint ses danseuses ou ses chevaux aux couses.

Lorsque Seurat peint ses trois modèles ( Les poseuses), bien qu’il ne peigne ni des Vénus ni des héroïnes bibliques, il les sort du temps et les fige dans leur pose. De même les promeneurs de La Grande Jatte paraissent suspendus dans un temps presque arrêté. Jusqu’à l’écuyère du Cirque qui semble plantée-là sur sa monture pour toujours.

C’est que la technique du pointillé supprime le scintillement, la vibration de la touche, ce qui donnait vie.


4. L’impressionnisme rejetait le sujet du tableau mais gardait la lumière. Le pointillisme rejette bien toujours le sujet, mais aussi la lumière, faisant un pas de plus vers l’abstraction. Il appartient au spectateur de reconstruire la vision.

5. C’est que l’objectif du pointillisme est plus intellectuel que sensuel. Il est d’opérer une synthèse de la perception. Présenter ce rocher non (comme Monet) dans cet aspect particulier qu’il a sous une certaine lumière à un moment donné, mais (comme Seurat) dans cet aspect singulier (c’est-à-dire qui regroupe tous les aspects particuliers qu’il peut prendre sous les différents éclairages du jour ou de la saison) qui n’est jamais visible (on ne le voit que particulièrement) mais qui sous-tend constamment sa « visibilité ». C’est un problème de cet ordre que, par d’autres moyens, Cézanne aura à affronter.


6. Il en va de Seurat (et des pointillistes) comme de la modernité technique de l’époque. Dans la Tour Eiffel l’œuvre achevée laisse apparaître les éléments de sa construction : barres de fer, boulons. De même dans les œuvres pointillistes, le tableau dans son ensemble ne masque pas les points qui servent à produire cet ensemble.


IV. LES NOUVEAUX PROBLEMES DE LA PEINTURE

Le tableau a cessé d’être une représentation pour devenir un objet. La peinture ne renvoie pas à une réalité extérieure, elle existe pour elle-même. C’est une réalité parallèle.

Se pose donc le problème de son organisation.

1. Problème n° 1 : L’espace

La peinture se déploie dans l’espace. Mais, comme réalité elle doit avoir un espace propre, distinct de l’espace de la réalité extérieure.

Le problème des peintres sera donc avant tout celui de la construction de cet espace propre de la peinture.

Cézanne et le cubisme (Braque, Picasso)

2. Problème n° 2 : L’Harmonie

La peinture se déploie sous forme de couleurs et de dessin.

Le problème des peintres sera donc aussi celui d’une harmonie, d’un accord propres à la peinture. (De même que les choses s’accordent dans la réalité extérieure, du fait de leur soumission aux lois de la nature, de même les choses doivent s’accorder dans cette nouvelle réalité qu’est la peinture).

Gauguin et le fauvisme (Matisse, Derain …)

3. Problème n° 3 : Le mouvement

Enfin, cette réalité picturale doit avoir sa vie propre.
Celle-ci s’exprimera dans le mouvement.

Les futuristes, l’abstraction (sous certaines formes)

Cliquer ici pour télécharger le chapitre L'impressionnisme 2, Cézane 1


CHAPITRE 30 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ESPACE (1) : CEZANNE (1).

I. MISE EN PERSPECTIVE.

1. Au Moyen-Âge, l’œuvre d’art est un texte qui déchiffre le monde conçu comme le Livre de la Pensée de Dieu.
Le principe de cohérence de ce monde réside dans le symbolisme.
Le moindre objet naturel exprime la Pensée du Créateur (exemple : la « Noix de Saint Victor).

2. A partir de la Renaissance, le monde est une machine que la science a à décrire et l’art à refléter.
L’œuvre d’art est une image.
Le principe de cohérence du monde réside dans les lois de la nature, traduites en peinture par la perspective.

3. A l’âge moderne, l’œuvre d’art est une création qui vise à expliquer comment le monde nous devient visible.
Le principe de cohérence du monde créé par l’art est à découvrir.

4. Le problème est comment créer un monde.

a. Qu’est-ce qu’un monde ? Un ensemble cohérent.

b. Comment exprimer de façon sensible cette cohérence ? Par la profondeur.

--> Au moyen-âge, la profondeur est symbolique. C’est le sens du symbole. Il y a derrière l’image (l’aigle, par exemple), le sens (Saint Jean).
--> A la Renaissance, la profondeur est géométrique : c’est la perspective.
--> A l’âge moderne, il s’agit de rechercher une profondeur nouvelle. Et comme la profondeur de la renaissance est relative (la perspective fait exister les objets les uns par rapport aux autres), celle que la peinture nouvelle a à inventer devra être absolue. Mais qu’est-ce qu’une « profondeur absolue » ?

5. Lorsque je vois un tableau, je ne vois pas une chose comme une autre. J’en ai, dirons-nous, une vision « absolue ». Je vois cette table par rapport à la chaise proche, la porte lointaine, etc. (la vision des choses est relative). Quand je vois un tableau, je ne vois que lui.
En outre, je peux demander : « où est cette chose ? », mais pas « où est ce tableau ? » (sauf à me renseigner sur sa position géographique dans la maison ou le musée). Je peux demander : « où est la montagne Sainte-Victoire que représente ce tableau de Cézanne ? » mais pas « est ce tableau ? ».
La tableau n’est donc pas une chose visible comme les autres.



Ainsi, que vois-je lorsque je regarde La Montagne Sainte-Victoire de Cézanne. Je ne vois pas une montagne, ce que je vois, ce sont les moyens par lesquels cette montagne me devient visible et visible comme montagne.

Au sortir de la Caverne platonicienne, le prisonnier libéré, accoutumé qu’il était à vivre dans la pénombre et à ne voir sur la paroi que les ombres projetées des choses extérieures, ne voit d’abord en effet que des ombres, puis les reflets des objets dans les eaux, puis les objets eux-mêmes et, pour finir, le soleil.
En parvenant à ce dernier, toutefois, il change à nouveau de registre. Car, si le soleil est visible, il est aussi le principe de visibilité de toutes choses. C’est grâce à lui que le reste devient visible.
Ce qui se produit avec ce tableau de Cézanne est du même ordre. Le regard d’abord accroché par le tronc de l’arbre glisse vers la droite sur la branche inférieure, est conduit de là au viaduc et du viaduc, enfin, au sommet de la montagne.
Celle-ci, pourtant, est toute proche. Le travail du peintre aura été de retarder le regard . De lui imposer des détours. En cela consiste la nouvelle profondeur. En cela consiste notre manière de voir c’est-à-dire de recevoir les choses.

Cézanne ne peint donc pas le monde visible, mais le principe de sa visibilité. Le tableau explique comment le monde me devient visible.
Les classiques peignaient le monde arrosé de la lumière du soleil. Les impressionnistes peignent cette lumière de préférence au monde. Cézanne peint le soleil qui la dispense.

A suivre …

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LE XX°S CHAPITRE 31 CEZANNE (suite) Construction d'un espace 1

CHAPITRE 31 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ESPACE (1) : CEZANNE (suite).
Jacques ROUVEYROL




I. LA PERIODE SOMBRE 1859-1871

Avant la perspective renaissante : la perspective antique.
Elle est déterminée par la croyance en la sphéricité du champ visuel et la croyance dans le fait que les grandeurs apparentes ne sont pas une fonction de l’éloignement des objets mais une fonction de l’angle visuel :



Avant la perspective renaissante des recherches sont faites dans les manuscrits, à partir de la théorie de la sphéricité de notre vision. De là, le carrelage courbe de bien des représentations enluminées.

1. Curieusement, Cézanne commence par suggérer la profondeur au moyen de la courbe. A tel endroit de la toile le point de départ d’une série de courbes qui vont vers l’extérieur, comme les cercles de l’onde troublée par une pierre jetée.






La profondeur n’est pas rendue par la couleur, mais par le mouvement centrifuge de la courbe. Le point focal paraît plus éloigné (comme une origine) encore qu’aucune perspective ne produise l’illusion de cette profondeur.

2. Un autre procédé, par irradiation aboutit à un résultat analogue : un point focal lumineux et un assombrissement progressif centrifuge.
Avec pour résultat une inversion de la « profondeur ». Le « foyer » avance au premier plan et le reste recule dans l’ombre.




3. Même usage de la courbe dans les portraits pour faire surgir « en avant » le personnage ou tel détail de son visage : il s’agit de faire tourner la couleur.




II. LA PERIODE IMPRESSIONNISTE 1873-1877

On l’a vu, avec l’impressionnisme, le sujet finit pas perdre tout intérêt. C’est la lumière seule qui compte. Mais le problème est alors celui de sa synthèse.
Précisons. Soit une photographie représentant une danseuse prise dans son action. La photographie (sauf exception) va figer le mouvement, l’arrêter. Dix photographies mises côte à côte en montreront la décomposition. Nous sommes dans l’analyse. Mais soit à présent une toile de Degas, par exemple L’étoile ou la Danseuse sur scène ( 1878 Musée d'Orsay, Paris), Le geste n’est pas figé, sa continuation, comme ce qui précède dans le temps, sont suggérés. C’est une synthèse. A regarder le tableau, je me figure l’ensemble indivisible du mouvement de la danseuse.

1. Et bien, dans ses paysages. Cézanne ne saisit pas un instant de lumière, mais effectue la synthèse d’une succession d’instants lumineux.
Le problème est alors : comment se fait cette synthèse. Comment les éléments (les instants lumineux variés) ne s’émiettent-ils pas ? Comment les tenir ensemble ?
La réponse est : par un compartimentage de la toile. Chaque portion d’espace devient solide et enferme toutes la variations possibles. La différence est sensible avec ce paysage de Pissarro :



qui bénéficie d’une cohésion globale mais qui donne à voir un instant de son existence (celui d’une lumière particulière).
En l’absence de ce compartimentage, le paysage se dissout.



2. Comme pour le paysage, Cézanne recherche dans le portrait, ce qui demeure à travers le changement des expressions.
Pour maintenir ensemble cette diversité, l’espace qui entoure le visage doit lui être étranger et le fermer sur lui-même.



La touche est légère, mouvante, sans les empâtements caractéristiques de la période précédente. Le volume doit donc être contenu et c’est le rôle de ce qui l’encadre que de réaliser cela.
Il arrive qu’il y ait déséquilibre et que l’espace alentour « écrase » la figure, la fige (Madame Cézanne à la Robe rayée 1877). Ou, à l’inverse, que la figure se « désagrège » par insuffisance de « pression » de l’espace (Autoportrait de la Phillips Collection à Washington 1878-1880). Signes que la solution du « compartimentage » n’est pas, peut-être, le dernier mot de la question à propos de la synthèse.


III. LA PERIODE CONSTRUCTIVE 1879-1895

Le problème à résoudre est donc celui de l’unité de la construction de la fusion entre le contenant spatial et le contenu figuré.

1. Gauguin a trouvé sa solution : recréer un monde sans rapport avec la réalité : celui, hiérarchique, des idoles. Comme on est dans une recréation totale, on maîtrise tous les éléments de la composition de ce nouveau monde en sorte qu’il devient aisé d’en assurer la cohérence (la profondeur au sens plus haut défini).



2. Même type de solution pour Seurat qui recrée un autre monde dans lequel tout semble suspendu, où le temps s’est arrêté ou du moins infiniment ralenti.



3. Il arrive aussi à Cézanne, c’est le cas par exemple dans son Mardi Gras, de recréer un autre monde, onirique. Mais son objectif est d’opérer une transposition du monde réel en peinture.
Or, transposer c’est à la fois conserver et dépasser.

Prendre le monde réel et, à partir de lui, construire un autre monde équivalent. Un monde qui soit parallèle à la réalité. Or pour que parallèle il y ait, il faut que dans le monde représenté je puisse reconnaître le monde que je représente.
Travail d’abstraction, donc, mais contrôlée, référée au réel.
Il s’agit en conséquence de parvenir à un équilibre entre la construction abstraite et la perception réelle. En cela seulement consiste la transposition du monde réel à celui de la peinture.

Là encore, il arrive qu’il y ait déséquilibre. Soit on n’est pas assez abstrait comme dans la Baie de L’Estaque (1885 Art Institute of Chicago). Soit on l’est trop et on a perdu de vue la réalité comme dans Femme à la cafetière (1895 Musée d’Orsay Paris).


Le geste des mains posées sur les cuisses est ici si nécessaire à la composition de l’espace qu’on ne peut envisager la moindre modification. Même remarque à propos du Portrait d’Ambroise Vollard ou de Madame Cézanne dans un fauteuil jaune (1893-1895 Art Institute of Chicago).
Lorsque l’équilibre est réussi, d’autres gestes sont envisageables pour la figure sans que l’espace global en soit affecté. Ainsi dans Le fils de l’artiste, Paul (1885-1890 National Gallery of Art, Washington).



Ainsi, la transposition réussit lorsque la reconstruction en peinture concerne tous les éléments (espace, volumes, figure) du réel, sans que le contact avec celui-ci soit rompu.

L’idéal, serait que cette reconstruction soit déjà enfermée ou au moins indiquée dans le réel lui-même et perceptible à un homme (le peintre) qui saurait la voir.

IV. LA PERIODE SYNTHETIQUE 1895-1906

C'est précisément l'hypothèse faite par Cézanne dans sa dernière période. Le réel apparaît en lui-même comme l’évocation d’un système caché. Il justifie ainsi par lui-même et suggère la transposition que la peinture opère. L’œuvre se donne alors comme une révélation de la vérité du réel.

1. Dans cette Montagne Sainte-Victoire, vue de Bibemus tout est transposé. Tout vient ici au premier plan. Pourtant, le cheminement du regard qui, dans la perception réelle, indique la profondeur, mieux : est le sentiment même de cette profondeur (le temps qu’il faut pour aller du devant vers le derrière), le cheminement du regard, donc, est suggéré par la toile. Le regard est ralenti.



2. Dans la nature morte, l’affirmation du volume de l’objet ne doit pas arrêter le mouvement en profondeur. Objet et espace sont de même espèce. Des transitions sont ménagées de l’un à l’autre.
Comparons ces deux natures mortes : 1. Nature morte 1875-1877 Metropolitan Museum of Art, New-York; 2. Nature morte 1895-1900 Fondation Barnes, Merion. La seconde répond à cette nouvelle « vision » des choses.






3. Quant à la figure, elle ne fait plus qu’un avec l’espace qui l’entoure. (Portrait de Vallier ou Le Jardinier 1900-1906)




4. Cette position cézannienne résout de façon originale le problème du nu dans un paysage.

a.A la Renaissance, l’intégration du nu dans le paysage se fait par la perspective (centrée sur l’homme).
b. A l’âge classique (XVII° siècle), l’unification se fait à l’inverse à partir du paysage (Poussin).
c. Chez Cézanne l’unification se fait par transposition. Rien ne sépare en substance l’espace de la figure qui pourtant s’individualise. C’est, en particulier, la réussite des nombreuses toiles figurant les Baigneuses. Ci-dessous : Les Grandes Baigneuses 1894-1905 National Gallery, Londres



Au centre, légèrement à droite, elles paraissent « sortir de terre » ; celle de gauche, debout, se confond quasiment avec le paysage (avec les troncs inclinés). Les figures paraissent faites du même espace que le paysage qu’elles habitent.

CONCLUSION

C’est peu à peu que Cézanne, donc, invente un nouvel espace.
Parti du mouvement, de la courbe (période sombre), il en vient au compartimentage (période impressionniste) c’est-à-dire à une solidification de l’espace nécessaire pour faire tenir ensemble les variations qu’il s’efforce de synthétiser (variations de lumière pour les paysages, d’expression pour les portraits).
Il en vient à une construction abstraite visant à transposer le monde réel en peinture (période constructive) avec pour objectif d’équilibrer la construction abstraite et la perception réelle.
Mais c’est en découvrant (postulant ?) un ordre préalable mais caché dans le réel qu’il parvient (période synthétique) à une unification totale de l’espace.

1.L’espace médiéval, hétérogène, était constitué de « lieux ». Par conséquent sans unité.

2. L’espace renaissant, homogène, possède une unité géométrique exprimée par la perspective. C’est un contenant (une « scène ») dans lequel se situent (les uns par rapport aux autres, des objets).

3. L’espace cézannien, homogène, possède une unité essentielle qui est celle de la figure et de son entourage. Il n’y a plus « d’objet », mais une « vibration » universelle qui donne ici et là naissance à des figures.


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LE XX°S CHAPITRE 32 LE FAUVISME, L'EXPRESSIONNISME Un nouveau monde par la couleur

CHAPITRE 32 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 2. LA COULEUR : LE FAUVISME
Jacques ROUVEYROL

I. LE FAUVISME ET L’IMPRESSIONNISME

1. Les deux « courants » usent de la même palette de couleurs pures.
2. Mais, là où les impressionnistes représentent la lumière, les fauves l’expriment. Dans cette œuvre de Derain, la saturation des couleurs, d’une part et le grand usage des réserves expriment la lumière méditerranéenne.



3. On a vu Cézanne transposer la nature en peinture : « l’art est une harmonie parallèle à la nature » , déclare-t-il.
Le fauvisme se donne le même objectif : « construisez avec des rapports de couleurs équivalents aux rapports que vous voyez sur le modèle » écrit Matisse.

4. On retourne à l’atelier (il ne faudrait pourtant pas croire que toutes les toiles impressionnistes étaient peintes dans l’instant du plein air et que le passage en atelier après travail sur le motif n’était pas fréquent) avec pour conséquences : qu’on travaille en l’absence du modèle ; que du temps sépare l’impression de l’expression.
Ces écarts sont nommés à l’époque : abstraction ce qui signifie ici : détachement par rapport au réel.

5. L’impressionnisme sensé peindre directement la lumière est coloriste, néglige le dessin. Le fauvisme, tout coloriste qu’il soit, y revient. Le dessin fauve existe.
Mais, il se caractérise par la simplification des masses. Le détail nuit à l’intensité émotive. (Ci-dessous le Jardin du Luxembourg de Matisse)




Il opère en outre une accentuation caricaturale des formes. Témoin ce Nu couché de Van Dongen (qui vient lui-même d’un dessin d’illustration Cocotte « Petite histoire pour Petits et grands Enfants » pour L’Assiette au Beurre du 26 octobre 1901)



Jusque, avec Mondrian, au renoncement à la forme qui va conduire à l’abstraction proprement dite.

II. LA COULEUR

La critique accuse les couleurs fauves d’être « crues ». Entendons (au sens où Lévi-Strauss oppose le cru au cuit comme le naturel au culturel) : d’être « non cuisinées ».
La critique accuse les couleurs fauves d’être « criardes ». Entendons : « non harmoniques ». C’est-à-dire, une fois encore, naturelles, non civilisées.
La critique accuse encore les couleurs fauves d’être « cruelles ». Comprenons : barbares, « non civilisées ».
Au total, le fauvisme consisterait, dans sa forme, en un rejet des codes, des conventions liées à l'histoire de la peinture, des modèles : en un retour à la nature.




C’est aussi vrai de son contenu. Sauf exception (Le Déjeuner sur l’Herbe de Manet, par exemple), le nu impressionniste se donne à voir en intérieur. Sauf exception, le nu fauve est présenté en pleine nature, en extérieur.
Ce corps nu est primitif .
 C'est un corps coloré.



b. C'est un corps sexualisé (Kupka Plans par couleurs / Grand nu 1909-1910 Guggenheim Hermitage Museum, Las Vegas)



7. Paradoxalement, c’est du « progrès » de l’industrie que semblent venir les couleurs : celle d’une ville devenue polychrome. Les affiches, les vitrines, le développement de « la fée électricité » mettent partout de la couleur dans la ville. Le regard du peintre est sensible à cette atmosphère et il la transfère aussi bien dans sa « nature ».

8. Par ailleurs, le développement de la photographie vient faire concurrence à la manière « traditionnelle » de peindre. Mais elle est en noir et blanc. A la peinture, donc, la couleur. Et, comme la photographie, encore, va au détail, la peinture concentrera ses efforts sur les masses.

Toutefois, on ne peut se borner à ces explications. Le retour à la nature (à une « agressivité » primitive), le visage (coloré) de la ville moderne, la nécessité de tenir compte de la concurrence de la photographie expliquent sans doute les caractères du fauvisme, mais ce sont là des facteurs extérieurs (accidentels).



III. LES MOYENS DE LA COHERENCE

Rappelons le problème qui se pose à la peinture du fait de la révolution impressionniste. On a vu (avec Cézanne et on verra avec le cubisme) la question de la constitution d’un espace cohérent de la peinture. Ce que nous avons à comprendre pour le moment, c’est comment trouver une harmonie, un accord propres à la peinture. De même que les choses s’accordent dans la réalité extérieure, du fait de leur soumission aux lois de la nature, de même les choses doivent s’accorder dans cette nouvelle réalité qu’est la peinture). Là est le problème des fauves.

1. L’échange figure-fond .


L’objet réel est restitué, mais en même temps dépassé. L’objet est transformé par sa transcription : il ne garde ni son aspect ni sa couleur ni ses contours. Mais il entre en accord avec le milieu dans lequel il « figure ». Dans cette Japonaise de Matisse les dessins de la robe répondent aux ondes de la rivière au bord de laquelle elle se trouve. Entre le fond et la figure Matisse a trouvé un accord de formes.



Pour le Nu dans la Forêt du même Matisse, ce sera entre le fond et la figure un accord de couleurs, deuxième solution.


2. L’ accord chromatique comme principe.

Dans la réalité existent des désaccords formels ou chromatiques. Le monde de la peinture est plus vrai (plus monde, plus cohérent, a plus de profondeur) que le monde réel. La plage rouge de Matisse est plus "vraie" (plus plage) que la plage jaune (qu’on peut imaginer).



On distingue en effet, communément, deux définitions de la vérité.

1. L’accord de la représentation avec l’objet, de la proposition avec l’événement. (« La Terre tourne autour du soleil » est une proposition vraie parce qu’elle reflète la réalité objective)

2. L’accord des éléments des représentations entre eux, des termes de la proposition entre eux. (« Un âne bon marché est un âne rare, or un âne rare est un âne cher, donc un âne bon marché est un âne cher ». Ce syllogisme est formellement irréprochable, même si objectivement il est dépourvu de sens et constitue un paradoxe).


1. La première définition convient au réalisme : le tableau représente la réalité telle qu’elle est.

2. La deuxième définition convient au fauvisme: le tableau réalise une cohérence interne des couleurs et des formes qui se substitue à la réalité sans la représenter. Ainsi de cette Route tournante de Derain.




CONCLUSION

Le fauvisme prolonge donc, à sa manière, différente de celle de Cézanne, la révolution impressionniste. Celle-ci dégageait (en principe) la peinture de toute soumission au monde réel. Il appartenait à l’artiste soit de construire un monde entièrement séparé (Gauguin, Seurat) soit de construire un monde parallèle à la réalité. Ce que fait Cézanne en travaillant sur l’espace et en parvenant à une unité du fond et de la figure qui existerait déjà dans la réalité, mais à l’état implicite, le travail du peintre étant de la révéler, de la mettre en évidence. Ce que font les fauves en travaillant sur le dessin et la couleur et en parvenant à une harmonie du fond et de la figure qui n’existent pas forcément de façon naturelle.

Le cubisme et l’art abstrait traitement des mêmes problèmes pour y apporter des solutions nouvelles.

APPENDICE

On peut noter chez les fauves (ou chez ceux qui le furent à un moment de leur carrière) une évolution, sur la fin, qu’on pourrait dire au moins pré-cubiste. Vlaminck, par exemple avec Ville au bord d’un lac 1909 Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg .




Ou Derain avec Maisons au bord de l’eau 1910 Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg



Ou encore son Paysage avec bateaux 1915 Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg.




LES PRINCIPAUX PEINTRES DU FAUVISME

1. MATISSE Henri 1869 – 1954 : période fauve (1905 – 1907)
2. DERAIN André 1880 – 1954 : période fauve (1905 – 1907)
3. VAN DONGEN Kees 1877 – 1968
4. VLAMINCK Maurice 1868 - 1958
5. MARQUET Albert 1875 - 1947








CHAPITRE 32 (suite) : L’EXPRESSIONNISME
Jacques ROUVEYROL


I. LE FAUVISME ET L’EXPRESSIONNISME

Les peintres expressionnistes développent une peinture qui a la couleur des fauves mais un contenu et une intention bien différents. Même s’il y a des analogies.
--> Analogie, du côté par exemple d’un certain « primitivisme » ou retour à la nature.
--> Analogie aussi, du côté de la « négation » du monde réel. Pas plus que pour les fauves, le monde réel n’est pour les expressionnistes l’objet d’une représentation pour la peinture.
Mais ce « renoncement au monde » a un autre sens. Il s’agit d’explorer le « monde intérieur » des émotions.
L’expressionnisme, n’est pas un style, c’est un état d’esprit.


--> Il y a en effet une diversité des moyens d’expression.
Pour Di Brücke, ce seront des couleurs pures éclatantes posées en aplats. Ci-dessous : Haeckel Jeune Fille à la Poupée 1910 Serge Sabarsky collection).




On conserve ici un certain attachement à l’ »objet », encore qu’on le déforme.
--> Pour le Blaue Reiter, la couleur demeure le principal moyen d’expression, mais l’attachement à l’objet disparaît.




II. DI BRÜCKE (1905 – 1913)

Di Brücke (le Pont) est fondé à Dresde l’été 1905 par de jeunes artistes décidés à faire la critique d’une société bourgeoise éminemment capitaliste, matérialiste et égoïste. Ils découvrent la vie primitive au Musée ethnographie et la gravure sur bois qui donne à la composition une expressivité maximum (Heckel Femme allongée 1913)



C’est cette même expressivité qu’on retrouve si parfaitement manifestée dans le cinéma expressionniste (noir et blanc par essence et pas seulement parce que la couleur n’est pas encore disponible) de Fritz Lang, de Murnau, de Wine (ci-dessous, Le Cabinet du Docteur Caligari 1919)



La couleur ne vise en somme qu’à renforcer l’expressivité.



Les artistes de Di Brücke :Kirchner 1880 – 1938
Haeckel 1883 – 1966
Rottluff 1884 – 1976
Nolde 1867 – 1956
Pechstein 1881 – 1955
Mueller 1874 – 1930


III. DI BLAUE REITER (1908 – 1913)

Di Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) se forme en 1911 à Munich. C’est un groupe qui entreprend un cheminement vers l’abstraction. (Ci-dessous, Marc Tigre 1912).
Kandinsky qui est celui qui va « sauter le pas » et qui fera entrer la peinture dans l’abstraction proprement dite, fait partie de ce groupe.


Les artistes du Blaue Reiter :
Kandinsky 1866 – 1944
Von Jawlensky 1864 – 1941
Münter 1877 – 1962
Klee 1879 – 1940
Marc 1880 – 1916
Macke 1887 – 1914


IV. LES BERLINOIS 1911 – 1913

Berlin va occuper une place centrale dans l’avant-garde artistique expressionniste, même si c’est, comme on l’a vu, à Dresde et à Munich que ce courant est né.

Beckmann refuse l’abstraction. Mais ce n’est pas au profit de la représentation. C’est au profit de l’expression. (Ci-dessous : Beckmann La Nuit Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Dusseldorf).




Kokoschka recherche l’expression à travers la seule couleur. A la vue, il substitue la vision hallucinatoire). Ci-dessous : Kokoschka Mächenbildnis 1913.




3. Chez Egon Schiele, l’expression passe par la dislocation du corps … (Ici, Schiele Autoportrait debout 1910 Graphische Sammlung Albertina, Vienna).




… ou par des paysages désolés, dépouillés, comme sur le point de mourir.


Mais pourquoi l’expression ? Qu’est-ce qui justifie, qui explique cette exigence ?

--> On a vu qu’il y a un facteur interne à l’histoire de l’art, de la peinture : si celle-ci se sépare du monde qu’elle ne cherche plus à représenter, il faut qu’elle trouve ailleurs un « sujet » pour la toile. Si ce n’est à l’extérieur, ce sera au-dedans. Un univers d’émotions qui ne demandent qu’à être exprimées.

--> Il y a en outre un facteur externe qu’on a déjà vu intervenir avec le fauvisme et la question de la couleur : les affiches, les lumières … de la ville.
Berlin est à cette époque une ville en pleine expansion. Des quartiers entiers sont élevés à la hâte, la ville envahit tout autour d’elle : immeubles, usines, monstre destructeur de la nature. La ville est sans doute le thème de l’expressionnisme. Pas la ville impressionniste d’un Caillebotte, lumineuse et gaie, décor d’une vie insouciante. Une ville expressionniste, machine à créer de l’angoisse.


Ci-dessous, Meidner La Ville en Flammes 1913



Lumière artificielle, mouvement effréné et au milieu de cela l’homme perdu, seul dans un océan d’indifférence.

Les artistes berlinois de l’époque 1911 – 1913
Beckmann 1884 – 1950
Kokoschka 1886 – 1980
Schiele 1890 – 1918
Barlach 1870 – 1938
Feininger 1871 – 1956
Meidner 1884 – 1966
Rohlfs 1849 – 1938
Morgner 1891 – 1917

V. LA GUERRE DE 14-18 ET APRES ...

D’abord attendue par l’Allemagne comme une répétition du succès de la guerre de 70 elle apparaît aux artistes comme un formidable événement propice à purifier un monde vécu comme parvenu aux extrêmes de la corruption et propre à faire advenir un homme meilleur.

Mais il apparaît vite que les moyens de destruction mis en œuvre conduisent bien davantage à une façon d’Apocalypse.
(Ci-dessous : Felixmüller Soldat à l’Asile d’Aliénés 1918 ).




Ainsi, L’expressionnisme n’a donc en commun avec le fauvisme que l’usage de la couleur pure et le refus de la représentation objective du monde.

La couleur lui sert à exprimer la violence des émotions et de l’angoisse qui habitent un homme plongé dans un milieu hostile :

- La ville tentaculaire comme lieu de l’indifférence,

- Le monde mécanique d’une industrie qui n’est pas au service du citoyen mais qui, au contraire, l’anéantit en absorbant ses forces,

- Le monde de la guerre et de ses effroyables destructions.



VI. UN « ART DEGENERE »

En juillet 1937, à Munich, les nazis organisent une exposition d’ « art dégénéré » ainsi caractérisé :

1. Un art qui détruit les formes et les couleurs.
2. Qui tourne en dérision les idées religieuses.
3. Qui incite à l’anarchisme.
4. Qui se livre à une propagande marxiste.
5. Qui fait du sabotage racial par importation d’art nègre.
6. Qui consiste en « immondices juives »
7. Qui tourne à la folie générale.

Ci-dessous, le Führer hilare lors de la visite de l’exposition.


C’est, on l’a vu (Cours De l’Usage politique du néoclassicisme 2008), vers le néoclassicisme compris comme culte du héros que se tourne le nazisme tant en peinture qu’en sculpture ou en architecture.
La représentation de l’homme donnée par les expressionnistes (qui comptent en outre nombre de juifs) en montre les faiblesses : l’angoisse, la peur. L’homme nouveau imaginé par l’idéologie du III° Reich est aux antipodes. L’homme des expressionnistes est un sous-homme, celui de l’Allemagne Nouvelle est un surhomme.


VII. REMARQUE : CONTINUÏTE

Quelque « moderne » que soit la production expressionniste, elle n’est pas pour autant libérée de l’histoire de la peinture.
Quelques exemples :
La Crucifixion de Grünewald, au Retable d’Issenheim (1512-1516) influence des artistes aussi divers que :
Nolde Polyptyque de la Vie du Christ 1912
Max Ernst Crucifixion 1913
c. Kokoschka Crucifixion 1912

Le même retable, dans ses différents panneaux, inspire encore de façon très précise Nolde Grande Ville (Metropolis) 1927-28 Triptyque Stuttgart, Galerie der Stadt.





Considérons la partie gauche des deux œuvres, Annonciation chez Grünewald, Scène de rue chez Nolde. Les couleurs se correspondent exactement, les formes (arcs) se retrouvent et Nolde semble comme le miroir (inversant les signes) de Grünewald : l’aile de l’ange, légère, est devenue la lourde besace de l’homme à la béquille et la lance dressée de la résurrection dans la main de l’ange devient le soutient dirigé vers le sol du même homme.



Un autre panneau du retable les Tentations de Saint Antoine. Sa partie gauche sert visiblement (dans la construction, la position du corps) de modèle au Job de Nolde.





Enfin, c’est incontestablement de la Pieta que l’on voit au bas, à droite, de la partie du retable figurant la Crucifixion (ci-dessus) que vient la Pieta devant les Ruines de 1946 de Nolde.


L’expressionnisme n’est pas l’héritier du fauvisme. Mais pas non plus celui du classicisme. Nolde s’inspire de Grünewald, mais ce n’est pas la souffrance de Dieu qui l’intéresse. C’est celle de l’homme.

Au fauvisme, les expressionnistes empruntent la violence des couleurs. Mais l’objectif est de construire un monde qui soit non pas parallèle au monde extérieur (ce qui est le sens de l’entreprise des fauves) mais la transcription d’un monde intérieur qui réagit émotionnellement aux métamorphoses du monde extérieur.

L’impressionnisme a détourné la peinture de la représentation (du monde).
Cézanne a tenté de peindre les conditions de cette représentation
(comment le monde nous devient visible) et de comprendre comment un monde fait pour se constituer.
Les fauves
ont essayé, au moyen de la couleur, de construire un monde autonome : le monde de la peinture.
Les cubistes vont à leur tour reprendre cette entreprise, mais au moyen de la création d’un nouvel espace.


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